Redonner du sens et des moyens au service public de l’enseignement supérieur et de la recherche !


Thème : Enseignement supérieur et recherche (ESR)


Nous assistons à une crise organisée du service public de l’enseignement supérieur et de la recherche (ESR). Celui-ci est en train d’être défait sous les coups de boutoir d’une obstination néo-libérale qui, de la LRU (loi relative aux libertés et responsabilités des universités, dite « loi Pécresse ») en 2007 à la LPR (loi de programmation de la recherche sous le ministère Vidal) en 2020, dessine un présent et un avenir inacceptables et dont les mots d’ordre sont bien connus : sélection, compétitivité, financement par projet, austérité budgétaire, concentration inégalitaire des moyens.

Le double mouvement qui brutalise depuis 5 ans le monde de l’enseignement supérieur et de la recherche — le désengagement budgétaire et le pilotage stratégique autoritaire — nous alerte collectivement : acteurs du monde académique, étudiants et société toute entière concernée par la Science et l’Émancipation.

Nous, socialistes, pouvons impulser une nouvelle ambition pour l’Université et pour la recherche. Redonnons du sens et des moyens au service public de l’enseignement supérieur et de la recherche !

 

En finir avec la « gestion de la pénurie » à l’Université en créant des places, des postes et des pôles d’enseignement

Alors que l’augmentation démographique de l’an 2000 et le désir grandissant des bacheliers de poursuivre leurs études a conduit à un afflux d’étudiants (+ 300 000 depuis 5 ans, soit + 11 %, accroissement qui représente en volume l’équivalent de dix universités de taille moyenne), l’État n’a pas été à la hauteur de ce formidable élan : les budgets de l’Université ont stagné (avec une dépense par étudiant qui a chuté de 7% sous la présidence Macron) et l’ouverture de postes d’enseignants-chercheurs a diminué (ce qui veut dire un taux d’encadrement considérablement dégradé).

Il faut stopper net cette dévitalisation du service public du supérieur et répondre enfin à l’aspiration universitaire de notre jeunesse.

Rompre avec Parcoursup, comme nous le proposions dans notre programme pour la présidentielle 2022, c’est d’abord mettre fin à une sélection par les capacités d’accueil quand elles sont seulement le résultat de la pénurie de moyens des universités. Le problème de Parcoursup, ce n’est pas d’être une “plateforme numérique d’affectation”, c’est la logique actuelle de son paramétrage : celle d’une compétition généralisée aux critères peu transparents. Parcoursup est aujourd’hui l’algorithme de la sélection contre l’émancipation, une conception de « l’accès utile » à l’enseignement supérieur.

La question de l’affectation des bacheliers — comme des candidats aux masters — est avant tout politique et peut donc être en grande partie résolue par l’ouverture de nouvelles places, de nouvelles formations et de nouveaux établissements. Le droit à la poursuite d’études doit être réel.

L’exigence que nous, socialistes, devons porter est celle d’un réinvestissement immédiat et majeur pour l’Université. Cela passe en priorité par une augmentation du financement par étudiant (avec un rattrapage urgent du financement par étudiant à l’université par rapport à ceux des autres formations du supérieur et en particulier des CPGE) et une politique ambitieuse de l’emploi scientifique et universitaire consistant à mettre en place un plan pluri-annuel national de recrutement sur 10 ans de postes pérennes dans les universités et dans les organismes de recherche (4000 enseignants-chercheurs, 15 000 ingénieurs et techniciens de recherche).

Avec nos élu·e·s sur les territoires, nous pourrons porter une autre exigence qui sera un puissant levier pour démocratiser l’accès à l’enseignement supérieur : l’installation de plusieurs nouvelles universités d’ici 2030 pour accompagner la démographie étudiante et rééquilibrer la géographie universitaire. Mais nous refuserons les universités à plusieurs vitesses et la création de simples « campus numériques ». Pas plus à l’Université qu’ailleurs, nous n’accepterons le développement d’un service public « low cost ».

L’enjeu est aussi ici d’inverser la tendance à la hausse continue des effectifs de l’enseignement supérieur privé, qui rassemble désormais un quart des étudiants.

 

Les moyens d’une excellence universitaire accessible à tous et partout

Notre responsabilité est d’ailleurs de dénoncer fermement et de combattre en actes toute logique de stratification et de séparatisme social dans l’enseignement supérieur. Pas d’universités de « seconde ou troisième classe » auxquelles on accéderait par non-choix, par relégation, par manque de capital social ou culturel.

Dans l’accès aux formations du supérieur, nous ne pouvons plus laisser faire le « mal feutré » de la stratification, même si c’est pour éviter l’exclusion pure et simple. Il nous faut inventer, nous socialistes, le chemin qui fera enfin rimer massification, diplomation et démocratisation dans l’enseignement supérieur. Les inégalités d’accès, de parcours, de formations perdurent selon l’origine sociale. Elles se creusent même, renvoyées au prétexte fallacieux d’un mérite individuel différentiel qui justifierait que certains étudiants « restent à leur place » dans du supérieur low cost quand d’autres « prennent toutes les places » dans les nobles filières et institutions.

Nous, socialistes, devons mobiliser la jeunesse et l’accompagner dans son refus d’un inégal accès au « bien commun » universitaire.

L’accès aux établissements de l’enseignement supérieur doit être radicalement transformé et à nous, socialistes, de porter cette exigence autour de nouvelles règles transparentes, justes et humaines mais surtout facilitatrices de vrais choix d’orientation.

Et à ce titre, le service public de l’orientation doit être profondément réinventé pour donner à chaque élève du secondaire un accompagnement personnalisé. Il faut repenser globalement les moyens et les méthodes de l’orientation sur tout le continuum Bac-3/Bac + 3.

Pour rendre l’Université durablement accessible et pleinement émancipatrice, le chantier de l’autonomie étudiante, de la réduction de la précarité étudiante et du financement des thèses sera une autre priorité.

Mais nous devons aussi permettre une accessibilité plus globale à l’excellence en matière d’enseignement supérieur et de recherche. Notre ambition socialiste est en rupture totale avec toute « politique d’excellence » qui ne donnerait les moyens de travailler qu’à une fraction de la communauté académique, en concentrant les moyens dans quelques pôles, géographiques ou disciplinaires, ce qui se dessine depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron au pouvoir.

Dans le cadre du 4e Programme d’investissements d’avenir et du plan France 2030, le nouvel outil conçu par le ministère en 2021 — les « programmes et équipements prioritaires de recherche » — inquiète déjà la communauté académique. Lancés sans débat démocratique avec la communauté scientifique à travers leurs instances représentatives (les conseils scientifiques des organismes de recherche ou le Comité national de la recherche scientifique), ces PEPR censés dynamiser l'effort national de recherche en le focalisant sur des domaines jugés prioritaires, semblent plutôt de nature à aggraver encore les inégalités et la précarité dans les laboratoires.

Notre vision socialiste d’une politique d’excellence est autrement plus ambitieuse et respectueuse du monde de la recherche. Il faut d’abord rompre avec toute logique de dépendance de la recherche aux intérêts économiques et industriels qui remet en cause la véritable autonomie de la science.

Il faut ensuite renforcer la diversité de l’enseignement et de la recherche, ainsi que le lien fondamental qui unit ces deux activités. La réorganisation de l’Université comme nouvelle politique de maillage scientifique doit se faire selon un nouveau modèle d’orientation des flux humains et budgétaires. Il faut inventer un nouveau pilotage « de » la recherche publique « par » la recherche publique (c’est-à-dire par les pairs et en toute indépendance) via des réseaux coopératifs qui seront les porteurs et les garants, aussi bien en termes d’enseignement que de recherche, de collaborations ne laissant personne sur le bord de la route. Ils pourront ainsi organiser les priorités et les circulations des enseignants-chercheurs et des étudiants. Le pilotage des politiques de recherche et de formation doit être retiré aux seuls établissements et confié à des réseaux thématiques qui seront astreints à une obligation de péréquation territoriale et disciplinaire.

L’occasion de redire ici notre « besoin civique » de sciences humaines et sociales qui ont, elles aussi, une utilité sociale majeure pour nos réponses aux défis sociaux, climatiques et démocratiques.

Nous, socialistes, devons réaffirmer partout notre volonté d’assurer toutes les conditions de l’excellence universitaire et de l’exigence scientifique. Ce qui passe aussi par la réaffirmation de la dimension nationale des diplômes et la restitution du contrôle des recrutements scientifiques et universitaires aux pairs.

 

Faire de la recherche publique un levier majeur du progrès social et démocratique

L’autonomie du champ scientifique est un bien commun mais elle n’est pas à concevoir comme une forme de retrait du monde. Au cœur de notre ambition socialiste, il s’agit de (re)faire de la recherche publique un levier majeur du progrès social et démocratique.

Nous pouvons contribuer à redéfinir les relations entre Science et Société, aujourd’hui mal cultivées ou carrément abîmées. Une partie de la crise démocratique que nous traversons plonge ses racines dans la remise en cause ou l’instrumentalisation de la parole experte et scientifique. Il nous faut créer les conditions nouvelles d’un dialogue maîtrisé et constant entre les citoyens, les scientifiques, les administrations et les représentants élus.

Ajoutons donc, sur notre métier collectif, la démocratisation de la culture scientifique et technique, les sciences participatives et les conférences citoyennes.

Valorisons également le rôle de l'Université dans la formation tout au long de la vie et ne laissons pas la formation continue au secteur privé.

 

Financer la recherche pour l’intérêt général et le long terme

Le système de financements par appels à projets a tiré la science française vers le bas : en généralisant le recours à des moyens non pérennes, c’est la mise en concurrence de tous contre tous qui a renforcé l’inégalité de dotations entre chercheurs et conduit à un immense gaspillage d’énergie et d’argent public : combien d’heures perdues à évaluer ou rédiger des projets pour obtenir d’hypothétiques financements alors que ce temps aurait pu être consacré à la recherche ou à l’enseignement ?

Ce système fissure le « lien social scientifique » car il met en compétition à tous les niveaux des scientifiques et des structures de recherche dont l’intérêt serait de coopérer et de travailler en synergie.

C’est à l’écriture collective — avec tous les acteurs du monde de la recherche publique — d’une nouvelle façon de financer cette recherche que nous devons nous atteler.

Des propositions ont émergé ces dernières années dans les institutions représentatives, les syndicats et les associations disciplinaires. A nous socialistes d’opérer maintenant un retour sur le terrain pour inventer, avec toutes les parties prenantes, le financement de « l’Université de demain », pour l’intérêt général et le long terme.

En matière d’éducation comme de production ou de transmission des savoirs scientifiques, la contrainte budgétaire ne peut être le fil rouge.

Nous, socialistes, souhaitons porter à 1% du PIB l’effort budgétaire consacré à la recherche publique, celui-ci stagnant toujours à 0,8 % soit un manque de 6 milliards d’euros, une somme équivalente au crédit impôt recherche (CIR), première niche fiscale de France. Une réflexion exigeante autour du CIR est urgente pour garantir son efficacité (avec un fléchage prioritaire sur les PME), accroître la présence des docteurs dans l’entreprise et réaffecter une partie de l’enveloppe budgétaire sur une politique d’augmentation de l’emploi scientifique en France.

 

Mettre fin au scandale des emplois précaires à l’Université

La précarité existe dans tous les services publics et dans les universités le recours aux vacataires est massif. L’Université tient avec un vivier des personnes prêtes à accepter des conditions d’emploi, de travail et de salaire totalement dégradées voire illégales dans l’espoir, souvent défait, que cela débouche sur un vrai poste. On estimait, fin 2020, à 130 000 la présence de vacataires payés moins que le salaire horaire minimum.

Pas plus à l’université qu’ailleurs, la fonction publique ne peut être le premier employeur de précaires.

La précarisation rampante du monde académique — souvent perçu uniformément et donc à tort comme un « espace (de) privilégié(s) » — est aussi révélée par l’âge moyen de recrutement des titulaires qui s’élève désormais à 35 ans et par le décrochage de leur pouvoir d’achat avec une chute de 30% en 30 ans.

 

Repenser l’organisation du travail à l’Université et dans la recherche

L’organisation du travail dans l’ESR a été profondément bouleversée ces dernières années. La numérisation accrue du travail scientifique, pédagogique et administratif ainsi que le recours massif au travail à distance créent de nouveaux défis et risques individuels et collectifs qu’il s’agit d’identifier dans l’objectif de mettre en place des actions de formation et de prévention adaptées. Pour ne pas subir ces évolutions, il est urgent de définir collectivement de nouvelles manières d’organiser le travail académique qui respectent la santé, la sécurité et l’égalité entre les différents personnels de l’ESR.

La pénurie de personnels administratifs et techniques est un volet mal connu du crash universitaire en cours : trop d’établissements recourent à des contractuels pour pallier le manque de titulaires ou le turnover d’agents publics débauchés par le secteur privé ou par d’autres services administratifs plus rémunérateurs.

Les missions d’appui du système universitaire et scientifique doivent être assurées par des agents titulaires de leur poste, mieux formés aux métiers exercés et pleinement considérés pour leur contribution au service public de l’ESR, au même titre que les enseignants-chercheurs. Ces agents ne peuvent plus être traités comme une variable d’ajustement budgétaire. Les laboratoires et services administratifs doivent pouvoir compter sur des postes pérennes en nombre suffisant pour assurer la continuité et la qualité d’un grand service public d’enseignement, de recherche et de publication scientifique.

 

La défense absolue des libertés académiques

Face à la récente remise en cause des libertés académiques par le pouvoir politique et au dévoiement de cette notion dans le débat public, nous, socialistes, réaffirmons notre attachement inconditionnel aux libertés académiques, en France comme partout dans le monde.

Il est impératif de garantir juridiquement l’autonomie des enseignants-chercheurs vis-à-vis des pouvoirs politique, économique et religieux.


Premiers signataires :

Isabelle ROCCA, Secrétaire nationale Enseignement supérieur et recherche

Yannick TRIGANCE, Secrétaire national Ecole, éducation et accès aux savoirs

Maxime SAUVAGE, Secrétaire national Jeunesse et sports

Emma RAFOWICZ, Présidente des Jeunes Socialistes

 

BACHOFEN Blaise (75)                      

BLOCHE Patrick (75 / Adjoint à la Maire de Paris, Député honoraire)

BOTELLA Laure (95 / Secrétaire de section)

BOUCHARD Alexis (35 / BF et CF 35, BN JS)

BOUGEARD Morgan (75 / CN PS, BN JS)

CARTIER Flavien (86 / CN, Conseiller municipal de Pleumartin)

CHARON Pierre-Emmanuel (75 / CFC)

CHARPENTIER Luc (12 / SF, Secrétaire de section)

CHIAVASSA Florence (75 / BFA)

CONSTANT Christiane (69 / 1ère Fédérale)

CONWAY MOURET Hélène (FFE / Sénatrice)

DELMESTRE Alain (75 / SNA)

DES GAYETS Maxime (75 / SN, BN, CN)

DI SOMMA Alessandro (33 / Secrétaire de section à Mérignac)

EL JAÏ Yasmine (75 / SF)

EL YASSA Myriam (25 / SN, 1ère Fédérale)

LASNIER Philippe (75)

LORBLANCHER Rémy (75)

MARCELOT Sonia (51)

PICARD Estelle (79 / CN, SF)

QUÉNARD Eric (51 / CN, Conseiller régional du Grand Est)

TILLAY Anne-Juliette (93 / CN, SF)

TIMOTEO Joaquim (92 / Conseiller départemental des Hauts-de-Seine)

WEILL Pierre-Alain (75 / CF)

YILDIRIM Gulsen (87 / SN, 1ère Fédérale)

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