Réenchantons l'universalisme républicain !


Thème : République


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Contributions thématiques des Jeunes socialistes
pour le 80e Congrès du Parti socialiste

CONTRIBUTION 3

Depuis maintenant plusieurs années, des fractures émergent au sein de la gauche et des mouvements antiracistes sur la question de l’universalisme. Dans cette contribution, nous, Jeunes socialistes, prenons le parti d’un antiracisme résolument universaliste, et formulons des propositions pour l’avenir. Le débat autour de l’universalisme est aujourd’hui brûlant à gauche et au sein du mouvement antiraciste. Il est donc nécessaire de rappeler plusieurs points.

D’abord, l’universalisme est un antiracisme.

Il rejette toute forme d’exclusion basée sur la couleur de peau, la religion ou l’ethnie (réelle ou supposée), l’origine sociale, l’identité de genre, l’orientation sexuelle (réelle ou supposée). Il ne reconnaît pas ces caractéristiques comme constitutifs de la personne qui pourrait les présenter, et ne peut donc accepter que des discriminations se fondent sur leur base.

Être universaliste, c’est considérer la lutte contre les discriminations comme « une exigence du pacte républicain», pour reprendre la belle formule de Christiane Taubira au moment de l’adoption du mariage pour tous en 2013. Ainsi, ne peut se dire universaliste quiconque n’est pas habité par l’idéal d’égalité, de liberté et d’émancipation des individus. Lorsque Marine Le Pen reprend ce concept, elle le dévoie profondément : l’universalisme n’est pas compatible avec la préférence nationale, le refus de l’accueil des réfugiés, la stigmatisation de citoyens français en raison de leur appartenance religieuse. Justement car elle crée une différence entre les êtres humains du fait de caractéristiques qui ne peuvent affecter cette qualité.

Mais l’universalisme n’est pas seulement un antiracisme ; c’est aussi le refus de l’assignation identitaire.

Nous, universalistes, considérons que l’individu ne peut être réduit à sa couleur de peau, son orientation sexuelle ou sa religion : ces éléments, assurément, font partie de l’identité intime de l’individu, mais ne le définissent pas.

Il ne s’agit pas de refuser les mobilisations communautaires contre la domination. Elles sont parfois nécessaires. Mais de défendre l’autodétermination de l’individu, sa capacité à s’émanciper ; autrement dit, lutter de façon implacable contre les

discriminations dont il peut faire l’objet, sans pour autant l’assigner à une communauté ou l’enfermer dans une identité supposée. C’est faire respecter ses droits, notamment dans la réalité et de manière pratique, sans pour autant assigner l’individu à une caractéristique qui est le fondement de cette discrimination.

Croire en l’universel, c’est également croire en la capacité pour chaque citoyen de s’engager personnellement contre toute forme de discrimination, y compris celles auxquelles il n’est pas exposé personnellement.

Le combat minoritaire se renforce toujours lorsqu’il se mène au nom de l’universel, et accueille en son sein tous ceux qui veulent y prendre part de bonne volonté. Refuser cela, c’est accepter de compartimenter les identités, affaiblir le camp antiraciste et favoriser la réaction en retour. C’est bien pour cela qu’en 2013, nous avions affirmé avec force que nous nous battions pour le « mariage POUR TOUS », car la ligne directrice de lutte contre les discriminations, c’est l’égalité universelle entre tous les êtres humains, peu importe leurs caractéristiques propres.

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Condition d’une cohésion sociale et nationale, l’universalisme – soit la capacité à « faire société » au nom de valeurs communes – doit rester une ligne directrice pour la République française et donc pour la gauche.

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Pour autant, les décideurs publics ne doivent pas faire l’économie d’une forme de recul pour mieux comprendre pourquoi la promesse d’égalité n’est pas effective. Cette égalité en droits est d’abord battue en brèche par les discriminations qui persistent, notamment dans l’accès à l’emploi et au logement pour les personnes d’origine africaine, arabe ou asiatique. Les inégalités sociales, si elles restent indépassables, doivent également être mises à l’agenda au sens où l’universel, s’il n’implique pas une stricte égalité économique, ne peut être consenti par les individus si les différences de dotation sont colossales. Or, la concentration du patrimoine et la stagnation des salaires pour les ménages les plus modestes impliquent la panne de l’ascenseur social et l’assignation à résidence, rendant impossible la confiance dans un cadre universel partagé (Orientation 1).

Par ailleurs, l’universalisme français s’appuie sur l’adhésion des citoyens à des valeurs communes mais évolutives : la nation française est en effet un « plébiscite de tous les jours » et non une obéissance aveugle au nom d’une identité figée selon les mots de Renan. Ainsi, les identités régionales pourraient davantage être valorisées

alors que les velléités de sécession territoriales semblent bel et bien derrière nous. Car l’identité est par essence un agrégat de valeurs évolutives, qui en rencontrent d’autres et se nourrissent de la diversité et des différences (Orientation 2).

Envisager l’universalisme comme un cadre fondé sur l’adhésion à des valeurs abstraites ne doit néanmoins pas écarter la notion de « passé commun » que Renan lui-même qualifiait de « riche legs de souvenirs ». Cette Histoire, à la fois claire et obscure, doit permettre à la Nation de regarder avec sérénité et transparence son passé pour reconnaître aussi bien les exploits français et ses errements parfois commis au nom même de l’universalisme. Cette Histoire, c’est celle des peuples et de leur lutte. Ce n’est pas celle colportée par quelques faussaires de l’Histoire, essayant de nous faire croire qu’il y aurait des individus légitimes et d’autres non à séjourner sur le territoire de la République (Orientation 3).

Enfin, l’universalisme est porteur d’une promesse d’intégration pour les étrangers, qu’ils soient menacés par la guerre ou par le combat pour la liberté, ou qu’ils soient présents pour des raisons historiques ou économiques. Cette dimension cosmopolite de l’universalisme semble aujourd’hui reléguée et la question de l’asile et des étrangers en France abandonnée à l’extrême droite (Orientation 4).

Dès lors, plusieurs mesures concrètes pourraient être envisagées répondant à quatre grandes orientations :

Orientation 1 : Lutter pour l’égalité réelle, en combattant les discriminations, atteintes insupportables à l’universalisme républicain et en approfondissant la lutte contre les inégalités économiques par des mesures volontaristes s’agissant des inégalités de patrimoine.

Dans la continuité des politiques d’ouverture sociale mises en place, les établissements universitaires les plus en retard dans la diversification de leur corps étudiant pourraient se voir imposer la mise en place de préparations à leurs concours adaptés et gratuites, particulièrement tournées vers les publics boursiers. Les critères de bourses doivent également être élargis, et leur montant doit être rehaussé.

Sur le plan social, les inégalités de patrimoine pourraient faire l’objet d’une attention particulière. A ce titre, la proposition de Thomas Piketty d’un héritage minimal de 120 000 euros versé à tous à l’âge de 25 ans doit être défendu – ou à minima discutée – dans l’arène politique. Elle serait financée par un prélèvement fiscal combinant impôt progressif sur la fortune et sur les grandes successions.

Orientation 2 : Permettre aux identités régionales de s’exprimer à condition qu’elles s’inscrivent dans le respect du cadre universaliste républicain.

La République peut aujourd’hui engager une politique de renouveau culturel s’agissant des identités régionales, tout en demeurant unie et indivisible.

Un universalisme longtemps méfiant des « petites patries » a pu être justifié afin d’assurer la construction d’une communauté nationale, mais l’heure est maintenant à l’accroissement de l’enseignement des langues régionales. A cet égard, la proposition de loi Molac du 8 avril 2021 qui prévoit notamment de généraliser l’enseignement des langues régionales comme matière facultative dans le cadre de l’horaire normal d’enseignement (de la maternelle au lycée) constitue un progrès important. Il reste que la censure par le Conseil Constitutionnel de plusieurs dispositions tend à relativiser cette avancée, puisqu’elle doit nécessairement se construire en adéquation avec le principe d’unité de la République.

Orientation 3 : Construire un cadre universel en faisant de l’enseignement de l’Histoire et de la commémoration des piliers de notre système éducatif.

Un rapport apaisé à l’Histoire de France serait également de nature à recréer l’adhésion au cadre universel. Si la France des Lumières et celle de la Révolution constituent tout particulièrement des périodes de cristallisation de l’idéal universel, l’Histoire française recèle également d’épisodes où cet idéal a semblé être mis entre parenthèses. A cet égard, la poursuite d’un travail mémoriel qu’ont récemment illustré les rapports Stora et Duclert doit se combiner avec une place renouvelée donnée à ces évènements douloureux au sein des programmes scolaires.

Orientation 4 : Renouer avec la tradition française de l’asile.

Enfin, alors que l’immigration n’en finit plus d’être instrumentalisée par l’extrême droite, il s’agit de renouer avec la tradition française en matière d’asile – qui s’est affirmée dès la Révolution française – et d’accords aux étrangers résidant en France depuis une décennie certains droits fondamentaux dont ils sont privés.

La République fondant la nation, c’est l’adhésion à des valeurs communes qui fait l’unité du peuple français. Quiconque adhère à ces valeurs, d’où qu’il vienne, doit pouvoir bénéficier des meilleures conditions d’intégration possible dans la société française. Il est aujourd’hui indispensable de soutenir les associations qui œuvrent à l’accueil des réfugiés et demandeurs d’asile, et de faire en sorte que l’État prenne toute sa part dans ce devoir d’accueil.

Par ailleurs, si l’on peut se satisfaire du changement de position française dans l’accueil des demandeurs d’asile afghans ayant travaillé avec l’armée française – changement qui semble pour autant davantage motivé par la conjoncture que par une position de principe – le serpent de mer que constitue le vote des étrangers aux

élections locales reste toujours lettre morte pour les étrangers dont la nationalité n’est pas celle d’un pays de l’Union Européenne. Un tel droit pourrait leur être accordé au bout de dix ans de résidence dans la commune


Premiers signataires :

Joachim Taïeb (75, AF JS, BN JS)
Nicolas Litaudon (75)
Ryan Yohou (75)
Emma Rafowicz (Présidente des Jeunes socialistes)

Signataires :

Cédric Ardouin (37, AF JS, BN JS), Emma Boizot (43, AF JS, BN JS), Alexis Bouchard (35, AF JS, BN JS), Morgan Bougeard (75, BN délégué aux relations avec les partenaires), Yvain Bourgeat-Lami (75, SN aux fédérations des JS), Rémi Boussemart (59, AF JS, BN délégué aux idées et à la prospective, CF PS 59), Flavien Cartier (86, AF JS, BN JS, CN PS, conseiller municipal), Camille Castant (33, AF JS, BN JS), Victor Certain (34, AF JS, BN JS), Benjamin Claudon (54, AF JS, BN JS), Léopold Comtet (71, AF JS, BN JS), Guillaume De Almeida-Chaves (31, BN JS, conseiller régional), Alexia Descours (69, BN JS), Victoria Domenech (75, BN JS), Louis Estelle (04, BN JS, CN PS), Guillaume Girault (21, BN JS), Rémy Goubert (15, AF JS, BN JS), Rayane Guerboub (69, BN JS), Louis L’Haridon (95, AF JS, SN aux campagnes des JS), Basile Imbert (83, AF JS, BN JS), Pauline Le Fur (92, AF JS, BN JS, conseillère municipale), Garance Leroux (44, AF JS, Trésorière nationale des JS), Antonin Mahé (22, AF JS, BN JS, conseiller municipal), Joao Martins Pereira (94, AF JS, BN délégué à l’Europe et à l’international, SF PS 94), Charline Meyer (54, BN JS), Sarah Metennani (59, BN JS), Arthur Moinet (44, BN JS), Paul Rafroidi (95, BN JS), Thibaud Rosique (13, AF JS, BN JS, conseiller municipal), Anzil Tajammal (59, Secrétaire générale des JS), Maxence Andrieux (69), Sam Arsac (FFE), Cyprien Asseh (59), Dominique Babe (69), Rudy Dimitri Bamanga (FFE), Jean Bellec (22), Théophile Bernard (FFE, AF JS), Yannick Bré (35, SF PS), Hervé Brun (75, CA PS), Esteban Calles-Icard (04, AF JS), Gaëtan Canevet (49, CF JS), Camille Cauret (22, SF PS), Corto Centène-Bolognini (32, AF JS), Franck Charlier (71, 1er secrétaire fédéral), Luc Charpentier (12, SF PS), Philippe Chavanne (39, SDS), Antoine Chavant (23, AF JS), Maxime Clam (FFE, SF JS), Mélaine Compain (FFE), Christiane Constant (69, 1ère secrétaire fédérale, CN PS), Louis Daumal (75, BF JS), Arsène Dehec (59), Yannick Dejoie (75), Nicolas Délerin (35), Alain Delmestre (75, SNA), Michele Edery (69, CNE-CNE, SF PS, maire-adjointe, conseillère métropolitaine de Lyon), Thomas Escaig (92), Rémy Fleury (34), Rubens Froment (69, AF JS), Cyril Galle (59), Florent Gautier (75, SF JS), Michel Gelly-Perbellini (75, 1er secrétaire fédéral adjoint), Albert Godsens (59, SF JS), Gilles Gony (75), Liliane Govart (59, CF PS), Franck Guillory (75, BF), Elias H'limi (94), Lucas Hamidi (59), Maxime Hernandez (59), Arthur Job (59, SG JS), Jacques Kermen (22, SDS), Nadia Kharfallah (31, AF JS, BF PS, SF PS, CF PS), Alexandre Lacambre Zamora (31, SG JS), Chloé Laurent (75), Monique Le Clezio (22, BF PS), Philippe Le Goux (22, SF), Maël Le Pillouër (22), Aymerik Lemaire (62, CN PS, SF PS, AF JS), Sacha Loizeau (94, SF PS), Ézékiel Lucas (59, SF JS), Mireille Massin (75), Renėe Mazéo (22, SF PS, conseillère municipale), Nora Mebarek (13, députée européenne, BN PS), Tristan Mitâtre (27, AF JS), Salomé Nicolas (92), Quentin Pak (69), Anna Pic (50, députée), Ahmet Polat (69, SF JS), JoellePortier (60, SDS ,CF, BF), Baptiste Potenza (32), Sacha Prevost (69), Manon Projean (59), Sarah Proust (75, SN PS), Loïck Rauscher-Lauranceau (75), Timothée Remy (51), Maxime Rodrigues (87), Guillaume Seris (76, AF JS), Véronique Stéphan (75), Fabienne Stochement (75), Yannick Trigance (93, SN PS), Clément Trihan (35, SF JS, conseiller municipal), Alexandre Valin (59), Dylan Vitrant (59), Karim Ziady (75, CN PS).


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