– Mercredi 20 décembre 2023
Depuis deux ans, le sujet des droits sociaux des travailleurs des plateformes numériques de travail, les « ubérisés », est à l’agenda européen et nous le devons à Nicolas Schmit, le commissaire européen socialiste luxembourgeois chargé de l’emploi, des affaires sociales et de l’intégration.
Son projet de directive s’inscrit dans la lignée de ce que les socialistes portent en France depuis plusieurs années, en relai de nombreuses revendications des travailleurs eux-mêmes : présomption de salariat, inversion de la charge de la preuve en matière de requalification (aux entreprises de prouver que les travailleurs sont des indépendants et non à ces derniers de faire valoir leurs droits), transparence des algorithmes des plateformes…
Après d’âpres négociations, notre camarade députée européenne italienne, Elisabetta Gualmini, a réussi le 2 février dernier à faire adopter à une très large majorité un texte encore plus ambitieux actant la position du Parlement Européen.
A contrario, le Conseil des ministres de l’Union Européenne, qui regroupe les représentants des 27 gouvernements, proposait une version moins disante, notamment sous l’impulsion de la France, dans la parfaite prolongation de la politique d’Emmanuel Macron de protection des plateformes plutôt que des travailleurs de plateforme que nous combattons au niveau national depuis 2018.
Alors que depuis des semaines les négociations entre le Parlement Européen et le Conseil visant à aboutir à une position commune étaient enlisées, un accord a été trouvé mercredi 13 décembre sur une version proche de celle originelle de la Commission, grâce à l’implication totale de la présidence espagnole de l’Union Européenne depuis le 1er juillet.
Si ce texte de compromis n’est pas parfait, il comprend la requalification sous critères ainsi que l’inversion de la charge de la preuve, les deux points les plus importants dans la bataille à mener contre la plateformisation de l’économie. De même, il conditionne l’utilisation des algorithmes à la consultation des syndicats, actant donc une reconnaissance certaine pour les travailleurs. Son adoption serait ainsi une véritable avancée sociale continentale !
Le Conseil doit se prononcer sur ce texte vendredi matin. La France par son poids politique et démographique détient une part importante de l’issue du scrutin. S’il confirmait son opposition, par un vote contre ou même par une simple abstention à ce projet de directive et mettait en échec son adoption, le gouvernement prouverait définitivement que le discours pro-européen d’Emmanuel Macron ne trouve son salut que dans le libéralisme.
Alors que les décisions de justice actant des requalifications se multiplient dans de nombreux États, il mettrait un coup d’arrêt à cette volonté majoritaire d’avancer vers une harmonisation sociale par le haut et la construction d’un socle législatif de droits sociaux pour des travailleurs qui en sont dépourvus. A six mois des élections européennes, nous avons la possibilité collective de prouver que l’Union Européenne peut être synonyme de progrès social et de lutte contre la précarité.
Le Parti Socialiste appelle donc une nouvelle fois le gouvernement français à revenir sur ses positions passées, à prendre conscience de l’importance de l’enjeu de cette directive qui concerne plus de 4 millions de travailleurs et à soutenir le texte issu des négociations entre les institutions.