Sans-abrisme, politique du logement : les promesses non tenues d’Emmanuel Macron

– Mardi 16 janvier 2024

«Je ne veux plus, d'ici à la fin de l’année, avoir des femmes et des hommes dans les rues, dans les bois ou perdus. C’est une question de dignité, c’est une question d’humanité et d’efficacité là aussi. »

Ces paroles, prononcées par Emmanuel Macron le 27 juillet 2017, résonnent aujourd'hui avec une intensité douloureuse face à la réalité des derniers chiffres de la Fondation Abbé Pierre : 300 000 personnes sans domicile en France et des morts qui égrènent inlassablement les unes de presse. Une promesse présidentielle énoncée avec la fermeté de la conviction et l'espoir d'un avenir meilleur, mais avec la faiblesse de l’action et la fébrilité des responsabilités. Le nombre de personnes sans domicile a augmenté de 130 % depuis 2012. Aujourd'hui, elles se retrouvent sans abri, en hébergement d'urgence ou dans des centres pour demandeurs d'asile.

Ces personnes vivent à la rue et elles y meurent pour certaines d’entre elles, et trop souvent, dans l’indifférence générale. Pourtant de ces gens, chacun était quelqu’un.

Dans cette France d’Emmanuel Macron, qui valorise l’égalité et la fraternité, émerge toutefois une contradiction préoccupante. Celle de l’expansion d’une pauvreté insidieuse et enracinée dans les profondeurs de la misère. Elle grave de ses stigmates indélébiles, l'âme de ces enfants, témoins impuissants de l'anxiété de leurs parents, écrasés sous le poids de factures impayées, de logis précaires et de frigos désespérément vides. La pauvreté en France n'est autre que le quotidien de ces femmes et de ces hommes qui se lèvent aux aurores pour aller travailler, de ces familles monoparentales luttant pour leur survie, de ces étudiants qui choisissent de jeûner pour économiser, de ces personnes qui disparaissent dans l'indifférence lors des vagues de froid ou de canicules. 

Les rapports accablants du Secours Catholique, d'Oxfam France ou de l'INSEE dressent un tableau sombre de cette réalité. Aucun d’entre eux ne viendrait pourtant effleurer la boulimie communicationnelle ou l’indifférente logique comptable de ces libéraux qui, derrière leurs politiques du chiffre cachent à leurs consciences les drames humains et les rêves brisés de ces citoyens frappés par la pauvreté. Le gouvernement préfère invisibiliser la question de la solidarité dans un ministère élargi et oublie la nomination d’un ministère dédié au logement.

Ces chiffres, pourtant, doivent nous interpeller et inciter quiconque serait aux responsabilités à passer à l'action, dans une société où le progrès et le bien-être devraient être des droits inaliénables et non des privilèges, et la justice sociale, notre seule boussole.

9 millions de personnes vivants sous le seuil de pauvreté, parmi lesquelles des femmes, des familles monoparentales, des chômeurs et des étudiants qui sont le plus touchés par cette crise et qui expriment chaque jour leur impuissance à se relever seuls. Parmi eux, c’est plus de 4,1 millions de citoyens, dont des personnes âgées, des enfants, des voisins et des collègues qui sont réduits à vivre dans des logements indignes, témoins sans voix de ces inégalités profondes et grandissantes. Cette situation alarmante est d'autant plus préoccupante dans les DOM, où le taux de pauvreté est encore plus haut.

Face à ce constat accablant, des mesures concrètes et urgentes sont nécessaires. D’une part, nous exigeons le respect de la loi SRU dans toutes les communes où elle s’applique et de proposer une offre de logement qui réponde d’abord aux besoins des demandeurs de chaque territoire. D’autre part, nous voulons relancer les programmes d’insertion professionnelle qui intègrent un accompagnement spécifique et des aides pour surmonter les obstacles indirects à l’emploi, tels que furent les « Emplois d’avenir » ou les « Contrats aidés ». Aux associations qui viennent en aide aux plus démunis enfin, nous demandons au législateur de garantir un budget qui leur permette de mener leurs actions auprès des publics les plus fragiles. C’est de ces initiatives que nous pourrons fournir des solutions tangibles à celles et ceux qui luttent au quotidien.

Il faut exiger ensuite le caractère obligatoire de la Garantie Universelle des Loyers initialement proposée dans la loi ALUR mais jamais appliquée. Le foncier public doit également répondre à l’urgence du mal logement, en permettant par des mesures simples, une augmentation du parc immobilier. Ainsi, des cessions à l’euro symbolique pour des projets de constructions immobilières à but entièrement social seraient une mesure simple permettant l’accélération de la construction puis l’attribution de logements. La suppression de la mesure de Réduction des Loyers de Solidarité, enfin, qui entrave grandement les capacités d’investissement des bailleurs sociaux doit être engagée si nous voulons donner les moyens de loger les personnes les plus dans le besoin. Pour finir, il faudra orienter l’offre locative vers la location longue durée en particulier dans les zones attractives où la pression immobilière est intense par un système de zonage et une diminution des niches fiscales trop favorables aux locations touristiques.

C’est par l’application urgente de ces mesures que nous pourrons marquer un tournant décisif dans la lutte contre la pauvreté et la précarité en France. Il est de notre devoir, quelle que soit notre origine, parcours ou conviction politique, de lutter contre cette pauvreté et citant Victor Hugo, que nous devons nous engager à supprimer la misère. Ces mesures de justice sociale seront nécessaires pour la cohésion sociale et l’unité du pays tout entier.

Nesrine Rezzag Bara, secrétaire nationale à l'Éradication de la pauvreté, adjointe au maire de Nanterre en charge de la Sécurité,
Iñaki Echaniz, secrétaire national au Logement et à la Qualité de l’habitat, député des Pyrénées-Atlantiques,
Sébastien Baguerey, militant socialiste d’Indre-et-Loire

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