Socialistes, nous refusons d’enterrer le débat sur la GPA comme les conservateurs le souhaitent


Thème : Droits LGBTI


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Le sigle GPA signifie « gestation pour autrui », parfois connue sous le nom de maternité pour autrui et auquel renvoie le terme de « mère porteuse ». Précision utile, avant toute chose: lʼimmense majorité des demandeurs et utilisateurs de GPA sont... des couples hétérosexuels ! Il est donc inapproprié de de renvoyer opportunément à une demande « communautaire » les réflexions sur un sujet qui est celui de toute la population, et non dʼune fraction.

Elle est interdite en France depuis 1991, et dans seulement 7 autres pays de lʼUE... Elle est acceptée – voire explicitement légalisée – depuis de nombreuses années dans des pays importants et variés, et sur tous les continents, comme les Pays-Bas (depuis 1998), le Canada (2004), Israël (1996), le Danemark, le Royaume-Uni (1985), lʼInde (2002), plusieurs États des États-Unis, la Grèce (2002), lʼUkraine (1997), la Finlande (2007), la Géorgie (1997), la Roumanie (2004) ou même la Russie (1993), ainsi quʼen Belgique, en Australie, en Afrique du sud, en Argentine, à Cuba (référendum de septembre dernier), en Colombie, à Chypre, au Japon... À chaque fois dans des cadres légaux & des conditions très variés.

En France, dès juin 2008 (il y a presque de 15 ans!), un rapport du Sénat proposait de légaliser la pratique de la gestation pour autrui, à condition de respecter des règles éthiques précises.

Cependant, la législation de nombreux pays reste muette et ce vide juridique laisse le champ à une GPA dans des conditions qui ne sont pas toujours exemplaires ou éthiques. Ainsi, il existe différents modèles juridiques dans le monde. HES, avec de nombreux autres acteurs, défend un cadre légal éthique, « altruiste », solidaire, non commercial et à but non lucratif, afin de protéger la femme qui porte et accouche, le projet des parents et lʼenfant.


Refuser de traiter le sujet sous un angle caricatural et renfermant

Aujourdʼhui, le sujet nʼest souvent traité que sous lʼangle LGBTI. La réalité est beaucoup plus large, lʼimmense majorité des demandeurs/utilisateurs sont des couples hétérosexuels (avec des problèmes de fertilité ou de santé) et le mouvement LGBTI+ élabore et propose des solutions qui ne sʼadressent pas quʼà lui seul. En France, des sociétés savantes (médecins expert·e·s, juristes, chercheurs·se·s) regrettent lʼinterdiction totale de la GPA.

De nombreux grands médecins experts en reproduction humaine comme le Pr François Olivennes (2013) (infertilité, FIV, PMA...), gynécologues, psychologues, psychiatres, psychanalystes, philosophes, sociologues, ont déjà fait part de leur soutien à la GPA et dʼabord et avant tout pour - enfin - stopper le scandale de la non-reconnaissance par lʼétat civil des enfants nés légalement à lʼétranger par une GPA, pour lequel la France est un État récidiviste multi-condamné sur le sujet (Tribune de 2014).

Des personnes plaident pour « une réflexion collective sur certaines indications médicales comme lʼinfertilité utérine définitive, et une éventuelle organisation par la loi de la prise en compte responsable au cas par cas » plutôt que pour une interdiction totale et absolue.

En dépit des promesses du candidat Macron en 2017, qui indiquait clairement: « nous assurerons que les enfants issus de la GPA nés à lʼétranger voient leur filiation reconnue à lʼétat civil français, selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de lʼHomme (CEDH) », la transcription de lʼétat civil des enfants nés par GPA à lʼétranger est à ce jour encore refusée par la France, ce qui est souvent un terrible cauchemar du quotidien pour les parents et pour leurs enfants.

La “circulaire Taubira” de 2013, validée par le Conseil dʼÉtat, avait permis une reconnaissance de la nationalité française aux enfants nés de parents Français·es par une GPA faite légalement à lʼétranger. Différentes décisions juridiques nationales, de la Cour de cassation, du Conseil dʼÉtat, et plusieurs condamnations de la France par la CEDH, avaient permis à des familles de voir enfin transcrits leurs actes dʼétat civil, pour permettre aux enfants – et à leurs parents – dʼavoir non seulement des papiers français, mais également de voir reconnus les liens de filiation qui sont les leurs, mais au prix de coûteuses et longues procédures.

Lʼamendement, introduit par le gouvernement Macron et voté par leurs parlementaires, présenté lors de lʼexamen du projet de loi bioéthique (adopté en août 2021), indique que la transcription de lʼétat civil sera maintenant réservée au seul parent biologique de lʼenfant né par GPA.

Cette décision force le ou la « 2e » parent à passer par une longue et humiliante procédure pour adopter son propre enfant, à lʼinstar de ce que devaient subir les mères lesbiennes qui nʼétaient pas celles qui accouchaient dans un couple... Le seul argument présenté nʼest pas celui du droit de la famille et de son actualisation, mais celui dʼune honteuse « unification de la jurisprudence ».

Mettre fin à l’hypocrisie française

Les militant·e·s de gauche doivent clairement aborder cette question, trop souvent polluée par des caricatures, clichés simplistes et autres anathèmes. En effet, il est démontré depuis de nombreuses années que les Françaises & Français sont favorables à la GPA, qui bénéficiera évidemment très majoritairement aux couples hétérosexuels et à une nécessaire meilleure natalité pour notre pays.

Ainsi, cette question dans la construction dʼun droit émancipateur et protecteur ne peut être close par avance ou par refus dʼun débat. En janvier 2022, un sondage IFOP constatait encore que 73% des Français·es veulent son autorisation. Ils étaient déjà 60% en octobre 2014.

Note HES LGBTI+: « Mais elle est où, la "France réac’" ? »

Il importe que les législateur·rice·s mettent fin à une hypocrisie française, qui nʼutilise que le mot « marchandisation » pour masquer les réalités tangibles des GPA éthiques aujourdʼhui existantes. Entre autres, dans plusieurs états des USA, en Israël, en Roumanie, aux Pays-Bas, ou encore au Canada, qui ne sont pas des pays barbares qui priveraient les femmes de leurs droits et libertés. Il est nécessaire que des lois précises encadrent la « GPA altruiste » — comme le Royaume-Uni et la Grèce.

La question qui se pose à nous tous nʼest pas de savoir sʼil est possible dʼavoir recours à la « gestation pour autrui » ou « maternité de substitution ». Cette question a été posée à la science qui y a répondu favorablement. Il nous revient, à nous, citoyen·ne·s, de composer avec cette réalité scientifique, à plus forte raison dans un monde ouvert où lʼon touche très vite les limites dʼune législation nationale en la matière.

On doit, en effet, prendre en compte quʼau sein de lʼUnion européenne (UE), des règles de droit sʼappliquent à la fois à des citoyen·ne·s européens vivant en France et à des Français·es pouvant sʼétablir, même temporairement, en UE (les obligations en termes de retranscription dans lʼétat civil des filiations dues à une GPA sont une démonstration de la pression légale existante) ce sont les complexités dʼun cadre national, à fortiori crispé, sur une question qui ne fait plus débat chez nos voisins.


Une « GPA éthique », encadrée et non commerciale

Si lʼon souhaite parler correctement de la GPA, il faut évidemment parler des droits des femmes, évoquer lʼintégralité des modes de GPA différents qui existent dans le monde, les nommer – et le faire précisément – et refuser de se taire par avance. Pour faire des choix éclairés et mesurés, il faut entendre des témoignages pertinents et regarder la réalité, à lʼaide de rapports et recherches (parlementaires et universitaires, déjà disponibles).

Ce sont les conservateurs qui maintiennent le statu quo, et surtout le tabou dans le débat public, et ce faisant, favorisent le développement de pratiques commerciales de la GPA (toujours accessible à lʼétranger pour les français.es les plus aisés) nʼattendant rien ni personne pour prospérer dans les pires conditions. Pour ce sujet comme pour dʼautres, cʼest « la liberté qui opprime et la loi qui affranchit », et la régulation, les actions de la force publique doivent être des outils de raison au service de lʼémancipation.

Les interdits a priori mènent à la création de systèmes organisés, parfois hors-la-loi, qui ne garantissent ni un déroulement « éthique » du processus ni un suivi médical correct pour la « gestatrice » et lʼenfant.

  • Que pour toute demande de reconnaissance et de transcription dʼun acte dʼétat civil et de la filiation pour tout enfant né légalement dʼune GPA à lʼétranger, les circuits classiques dʼinstruction des actes dʼétat civil produits à lʼétranger soient ceux utilisés. Et que la transcription soit automatique pour les 2 parents,

  • La France a déjà été multi-condamnée par la justice en Europe (Cour européenne des droits de lʼHomme) pour ne pas avoir reconnu des enfants nés légalement hors de France tout en ayant des citoyens français comme parents. Il faut appliquer immédiatement ces décisions de justice et faire évoluer notre droit,

  • De concevoir un modèle juridique de « GPA éthique & solidaire » en France, à but 100% non lucratif, en se nourrissant des expériences étrangères concluantes et réussies en la matière. Cʼest lʼhonneur de la France dʼavoir un système de don de sang, de gamètes et dʼorganes organisés autour du bénévolat. Ce serait une nouvelle étape que de mettre en place un système qui refusera, également, de considérer la GPA dʼun point de vue consumériste et mercantile. Ce modèle intégrera les questions dʼindisponibilités lors de la grossesse, les risques et les sujets sanitaires liés aux procédures, de liens entre la gestatrice et les parents.

Sondage Ifop pour « Femme actuelle »

Un sondage Ifop pour le magazine « Femme Actuelle » (janvier 2022), permet d’illustrer à nouveau que montre que la France est majoritairement pour la gestation pour autrui: 73% des Français·es estiment que la GPA devrait être autorisée ici.

72% des Françaises pensent que la GPA doit être autorisée pour les

couples hétéros et 62% pour les couples homos. Une tendance à la progression nette, car le soutien est en hausse de 16% par rapport à 2014 (NB: pour la 1re fois, même les catholiques pratiquants sont une majorité, 52%, à vouloir autoriser la GPA). La société française est très largement favorable à la GPA, ce sont uniquement les pouvoirs publics & des élus qui sont trop frileux.


Signataires :

ABDOURAZAKOU Niswat, Seine-Maritime,

ARSAC Sam, FFE, Militant

AUBERT Philippe, Loire-Atlantique, Président du BFA 44

BÉQUET Patrick, Ille-et-Vilaine, Militant

BLOCHE Patrick, Paris, Adjoint à la Maire de Paris, Député honoraire

BOUHDIDA-LASSERRE Lyes, Paris, Adjoint au Maire

BREGMAN Dorine, Paris, Adjointe au Maire de Paris centre

BRIBARD Stéphane, Paris, CA PS 10e

CHABRUN Révelyne, Dordogne, Coordinatrice du réseau des formateurs, SF à la formation

CHANTREL Yan, FFE, Sénateur

CHARLIER Franck, Saône-et-Loire, Conseiller Régional BFC et 1er Fédéral 71

CHEIKH Alia, Seine-Maritime, Conseillère municipale déléguée, CF

DALLET Antoine, Charente-Maritime, Conseil fédéral Charente-Maritime

EL OTHMANI Ilyes, Paris,

EL YASSA Myriam, Doubs, 1er Fed du Doubs et SN à la lutte contre les discriminations

ENGELMANN Frédéric, 44, Titulaire CN CF, SF  Europe et international

FROMENT Rubens, Rhône, AF JS

GARRAUD Valerie, Seine-Maritime, Conseillère départementale

GELLY-PERBELLINI Michel, Paris, 1er secrétaire fédéral adjoint, Secrétaire de section Paris 12e

GÉRARD Adrien, Meurthe-et-Moselle, Secrétaire général HES LGBTI+

GONY Gilles, Paris,

H'LIMI Elias, Val-de-Marne,

HELLEU Gilles, Haute-Garonne, Secrétaire de section Saint-Jean

HIRIGOYEN Hervé, Haute-Garonne, SF

HUMPHREY James, Haute-Garonne,

LAGARRIGUE Philippe, Aveyron, Secrétaire de Section

LASNIER Philippe, Paris, Formateur national, CA, HES

LAVEDRINE Miléna, Paris,

LEVESQUES Valérie, Seine-Maritime, CN SF

LOISEL Maxime, Oise, SF à la mobilisation

MACQUOY Christian, Seine-Maritime, Secrétaire de section

NICOLLET Lennie, Seine-Saint-Denis, Président de HES LGBTI+, Conseiller municipal de Romainville

PAWELSKI Léa, Seine-Maritime, Conseillère départementale et adjointe au maire de St-Étienne-du-Rouvray, SF

QUINQUETON Denis, Paris, Ancien président d’HES

RAFOWICZ Emma, Paris, Présidente des Jeunes Socialistes

RICORDEL Sébastien, Seine Maritime, CF

ROQUES Sophie, Bouches-du-Rhône, Adjointe au Maire de Marseille, SF

ROUVIÈRE Guillaume, Paris,

SIMONET Victoria, Paris,

THOMAS Vanessa, Loire-Atlantique, Suppléante CN

TILLARD Hervé, Meurthe et Moselle, Maire de Chavigny et conseiller régional Grand Est

VAUGLIN François, Paris, Maire du 11e arrondissement de Paris


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