Un logement durable pour tous


Thème : Logement


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Il faut souligner qu’un SDF sur quatre est aujourd’hui salarié : avoir un emploi ne garantit plus un  logement. Les raisons de cette situation dramatique qui s’aggrave d’année en année sont connues :  exclusion du logement aggravée par la crise, saturation du parc de logements et d’hébergements,  inadaptation de l’offre à la demande, blocages à tous les niveaux de la chaîne de l’urgence (50 % des  appels au 115 ne reçoivent pas de réponse positive), diversification des publics (familles, jeunes,  demandeurs d’asile, travailleurs pauvres, personnes en souffrance psychique), empilement des  dispositifs induisant une complexité et un manque de cohérence du système, politiques territoriales  défaillantes et perte de sens de l’action des pouvoirs publics, toutes insuffisances auxquelles il est  possible d’apporter des solutions, à condition qu’existe une réelle volonté politique et qu’elle se  traduise en un effort soutenu sur le long terme. 

« Sur ma tombe, apportez-moi la liste de milliers de familles, de milliers de petits  enfants auxquels vous aurez pu donner la clé de vrais logements. » L’Abbé Pierre 

ÉVITER QUE DES PERSONNES SE RETROUVENT À LA RUE OU EN GRANDE DIFFICULTÉ

Établir, dans toutes les communes, des chartes de prévention des expulsions locatives interdisant  toute expulsion d’un locataire de bonne foi sans proposition adaptée à ses besoins et à sa situation et  formulée en lien avec les commissions de surendettement. Faire évoluer les CCAPEX (Commissions de  coordination des actions de prévention des expulsions locatives) en articulant mieux les dispositifs des  différents partenaires, diffuser une meilleure information aux locataires en situation d’impayés et aux  bailleurs du parc privé. 

Favoriser les mutations pour un logement adapté à la composition familiale et aux ressources du  ménage, donner la priorité aux situations de violences conjugales, de décohabitation, de sur- ou sous occupation, de handicap, d’impayés… 

Adapter les dispositifs du type FSL (fonds de solidarité pour le logement) afin de lutter contre le non  recours et renforcer son rôle de prévention des expulsions et d’accès au logement. 

Mieux prendre en compte les problématiques de santé mentale, en lien avec les bailleurs sociaux. 

Repérer les situations à risque et les publics vulnérables. Élaborer un référentiel à destination des  professionnels de terrain (médecins et professions de santé, auxiliaires de justice, établissements  scolaires, Pôle emploi, CAF, animateurs des équipements jeunesse, centres sociaux…). 

Mettre en place des outils permettant de régler les situations complexes par un véritable partenariat  entre institutions (CAF, CPAM, hôpitaux, services sociaux, CCAS…). 

Prévenir les situations de paupérisation des salariés en sensibilisant et en outillant les entreprises  (détection des signaux comme les saisies sur salaires, le décès d’un proche, la maladie). Développer  les chartes de « prévention précarité ». Mettre en œuvre des dispositifs d’alerte. 

Éviter l’exclusion bancaire en intervenant en amont de la saisine de la commission de surendettement  de la Banque de France : offre de diagnostic financier auprès des ménages, médiation concernant les  dettes et impayés, microcrédit personnel accompagné.

Identifier les personnes qui éprouvent de manière récurrente des difficultés à payer leurs factures  d’énergie via des partenariats entre les fournisseurs (EDF, Engie…) et les services sociaux. 

Mieux informer sur les dispositifs destinés aux jeunes mis en place par les départements, Pôle emploi  et les missions locales, la CAF, etc.) et renforcer leur accompagnement. 

Mieux préparer la sortie des institutions, par la fin de prise en charge de l’aide sociale à l’enfance (ASE)  en renforçant l’accompagnement vers l’autonomie des jeunes majeurs et par l’accès aux minima  sociaux pour les jeunes de moins de 25 ans. Éviter les ruptures à la sortie de prison par une anticipation  et un renforcement des partenariats (logement, emploi), de même que celles à la sortie des hôpitaux,  notamment pour les jeunes mamans seules en situation de précarité. 

Un tiers des SDF sont passés par l’aide sociale à l’enfance. 

Faciliter l’accès à l’emploi des publics vulnérables et ceux sortant d’institutions (contrats aidés,  entreprises et chantiers d’insertion, service civique dont le dispositif Rom civic). 

Alors que leurs familles bénéficient rarement du dispositif public d’accueil, d’hébergement et d’insertion  (AHI) destiné aux personnes en grande difficulté sociale, les jeunes Roms n’ont aucun accès à une vie  citoyenne ordinaire. C’est donc dans un objectif d’accès à la citoyenneté que Rom Civic agit. 

Contraindre les communes de plus de 5 000 habitants et les intercommunalités à respecter la loi n°  2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage, dite loi Besson, en  s’inscrivant dans les schémas départementaux d’accueil et d’habitat des gens du voyage obligatoires,  à améliorer la qualité et la gestion des aires existantes et à mettre fin aux coûts excessifs pour les  usagers, à faire reconnaître les résidences mobiles comme habitat permanent et traditionnel de leurs  utilisateurs, ceci impactant les assurances et la taxe d’habitation. 

Inscrire les besoins d’habitat des gens du voyage dans les politiques publiques, favoriser l’émergence  de réponses adaptées et respectueuses de leurs modes de vie : habitat adapté pour des familles ne  souhaitant plus ou ne pouvant plus voyager mais qui désirent garder partiellement l’habitat en  caravane sur des terrains familiaux, habitat en dur organisé en fonction des besoins, habitat mixte où  la caravane fait office de chambre.  

INTERVENIR DANS UNE OPTIQUE DE PRISE EN CHARGE GLOBALE DES PUBLICS À LA RUE

Faire évoluer la gouvernance et la coordination des acteurs, clarifier les compétences (État,  département, ville, associations), mettre en place des outils de pilotage de terrain adaptés à partir des  territoires (maraudes, circulation des informations, référent pilote). 

Renforcer la coordination entre SIAO (Service intégré d’accueil et d’orientation) au sein d’une même  région, notamment en Île-de-France. Fusionner les SIAO Urgence et Insertion qui ne le sont pas encore. 

Développer les espaces de premier accueil immédiats, inconditionnels et de proximité pour les  usagers : hébergement généralisé en H24, application de l’inconditionnalité de l’hébergement et du  principe de non remise à la rue, expérimentations de haltes de nuit (cf. celles de Charenton ou de la  gare de Toulouse). 

Soutenir les lieux sas, alliant espaces d’hébergement, activités d’insertion économique et culturelle.  Ainsi, à Strasbourg, un squat de ce type a pu être transformé en lieu cogéré grâce à une convention  passée avec la mairie, comme c’est l’usage dans d’autres pays telle l’Allemagne.

Faire confiance aux personnes exclues comme à Lille où une dizaine de SDF ont créé une association  et ont su capter des dizaines de logements pour les personnes à la rue, sans l’aide ni des institutions,  ni des associations, mais en s’adressant directement aux propriétaires bailleurs. 

Développer les centres d’hébergement de bas seuil, petites structures plus souples adaptées aux  besoins, où la consommation d’alcool et de drogues n’est pas interdite mais encadrée, permettant  même parfois des allers et retours avec la rue. 

Améliorer la prise en compte des troubles de santé mentale pour les personnes en situation de grande  exclusion : permanence d’accès aux soins de santé en psychiatrie (PASS-Psy), équipes mobiles  psychiatrie-précarité (EMPP), renforcement des partenariats entre secteur hospitalier et acteurs de  l’insertion sociale. 

Généraliser l’expérimentation Un chez soi d’abord (accès et maintien dans le logement de personnes  en situation de grande précarité présentant une ou des pathologies mentales sévères) conduite à  Marseille, Lille, Toulouse et Paris. Ce programme renverse la logique du parcours, avec le logement  comme levier, en cassant les frontières de l’action sociale, de la psychiatrie et de l’addictologie. 

Le bilan de quatre ans de « Un chez soi d’abord » s’avère particulièrement positif : seuls 10 % des  bénéficiaires ont abandonné en cours de route et on constate un meilleur rétablissement médical au  bout de 12 mois ainsi que de nombreuses réussites en termes d’insertion sociale. De surcroît, le volet  économique de l’étude permet de mesurer l’efficacité en matière de coûts puisque les personnes logées  fréquentent beaucoup moins les hôpitaux et services d’urgence. 

Développer l’accompagnement social des familles en situation de rue : équipes mobiles  pluridisciplinaires spécialisées, développement des centres d’hébergement et de logements adaptés,  action socio-éducative adaptée, projet global d’insertion pour les familles migrantes  intracommunautaires, déploiement des plateformes régionales d’accueil, d’information, d’orientation  et de suivi (AIOS) des occupants de campements illicites et bidonvilles. 

Mobiliser des solutions de sortie dignes et durables pour les personnes mises à l’abri chaque année  dans le cadre du plan hivernal (offre accessible, immédiate et inconditionnelle fondée sur le seul motif  de la détresse sociale et non sur la situation administrative, notamment par des places d’hébergement  pérennes). 

Poursuivre le processus d’humanisation des centres d’hébergement : chambres individuelles ou  doubles, rénovation du bâti, développement de places pour personnes à mobilité réduite et personnes  accompagnées d’animaux. Faire évoluer les projets d’établissement des centres afin de les adapter aux  besoins des publics spécifiques. 

Mobiliser l’ensemble des structures d’hébergement pour augmenter significativement les sorties vers  le logement et diminuer la durée moyenne de séjour. 

Instaurer dans le code de l’action sociale et des familles un droit à l’accompagnement social des  familles à l’hôtel : diagnostic social dans les deux semaines pour chaque famille primo-arrivante au  115, amélioration des conditions de vie à l’hôtel, accompagnement social global, y compris vers et dans  le logement, régularisation des situations administratives des familles non expulsables hébergées à  l’hôtel depuis plus de cinq ans. 

Créer des capacités d’hébergement alternatives à l’hôtel pour les familles : logements en  intermédiation locative, appartements partagés, résidences sociales pour familles…

Transformer les hôtels sociaux en centres d’hébergement durables. Favoriser les hébergements « en  diffus » dans des immeubles ordinaires, les appartements partagés pour des isolés comme pour des  familles, les résidences d’accueil, les dispositifs du type Solibail ou Louez Solidaire à Paris qui  permettent à des ménages modestes d’accéder à des appartements du parc privé tout en sécurisant  les propriétaires grâce à l’intermédiation locative de l’État, des collectivités locales ou d’associations. 

Programmer 30 000 places en CADA (Centres d’accueil pour demandeurs d’asile) dans le cadre de la  réforme de l’asile. 

Augmenter les crédits des centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) pour  l’accompagnement social des personnes hébergées « hors les murs » (appartements partagés ou  individuels sous statut CHRS). 

Favoriser l’accès aux établissements de droit commun, tels les établissements d’hébergement pour  personnes âgées dépendantes (EPHAD), des personnes en grande précarité vieillissantes. 

Promouvoir la participation des usagers dans les structures d’hébergement et leur implication dans  l’élaboration, la mise en œuvre et l’évaluation des politiques publiques qui les concernent : conseil  consultatif des personnes accueillies et accompagnées (CCPA) et ses déclinaisons régionales (CCPRA),  8e collège du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale (CNLE).  Rendre effectifs les droits au recours. 

INSÉRER DURABLEMENT 

Mettre en place un accompagnement global pour des parcours de réinsertion adaptés dans leurs durée  et modalités : modulation des durées d’accompagnement dans le logement, des horaires et durée des  contrats aidés, généralisation du dispositif Premières heures expérimenté à Paris et adaptation au  public des jeunes en errance, développement de l’accompagnement global et coordonné vers  l’insertion pour les personnes en grande exclusion du type Convergence, renforcement du réseau des  professionnels de l’emploi intervenant dans les centres d’hébergement, dérogations ciblées sur les  contrats aidés, travail alternatif payé à la journée… 

Il est prioritaire d’agir afin d’éviter aux personnes en situation précaire de « retomber à la rue », tout  en acceptant les échecs, les allers-retours, les parcours sinueux. 

Associer les entreprises à la lutte contre l’exclusion par le recrutement de personnes sortant de  structures d’insertion par l’activité économique (SIAE). 

Développer les clauses sociales dans les marchés publics et privés, et faciliter l’accès des SIAE à ceux ci. Mobiliser les OPCA (organismes paritaires collecteurs agréés) dans la formation des salariés en  insertion. 

Innover pour créer de nouvelles formes d’activité adaptées aux grands exclus (ex. : ateliers  d’adaptation à la vie active (AVA), organismes d’accueil communautaire et d’activités solidaires  (OACAS), développement de services innovants comme les gardiens d’immeubles hors les murs, etc.).  Donner un statut juridique aux échanges de services comme dans les pays nordiques. 

Favoriser l’inclusion sociale dans la vie de la cité : accès à la culture, pratiques artistiques, sport,  engagement citoyen : conseils de quartier, investissement associatif, promotion des « travailleurs  pairs » et obtention de diplômes par la validation des acquis de l’expérience (VAE). 

Les travailleurs pairs sont des personnes ayant une expérience de vie ou de maladie similaire à celles  des personnes avec qui elles travaillent (expériences de rue, maladie psy


Premier signataire :

Mathieu GITTON secrétaire de section de Belgique


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