Une réforme fiscale pour plus de justice sociale


Thème : Fiscalité


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Le système fiscal français n’est juste ni pour les particuliers, ni pour les entreprises. Avant chaque élection présidentielle, les candidats parlent de le réformer en profondeur, sans mesure concrète à ce jour. Pourtant, l’outil fiscal s’est complexifié avec le temps, au point de ne plus permettre au citoyen d’appréhender la réalité de son imposition. Il est grand temps de réformer la fiscalité des entreprises et des particuliers, pour davantage de clarté et d’efficacité. Pour les particuliers, la base de réforme fiscale proposée par Thomas Piketty nous paraît judicieuse, et doit servir de base à cette ambitieuse réforme, mais il est important de mettre autour de la table toutes les parties prenantes afin de déterminer ensemble l’impôt que nous voulons. Cette réforme devra être également accompagnée d’une remise à plat des niches fiscales, dont certaines seront supprimées. Seules les plus incitatives et positives pour l’économie seront conservées ou renforcées, comme par exemple les crédits d’impôts liés à l’embauche de salariés à domicile qui seront amplifiés pour tous les Français. De nouvelles recettes fiscales, plus justes et équitables socialement, seront créées pour financer les grandes réformes, en particulier celle de la transition écologique, et des moyens importants devront être mise en œuvre pour diminuer dans de fortes proportions le montant de la fraude et de l’évasion fiscales.

« Les taux des prélèvements obligatoires (impôts, CSG, ISF, cotisations sociales...) des 1 % de Français les plus riches sont plus faibles (inférieurs à 40 %) que pour les 50 % de Français dont le revenu brut mensuel est dans la tranche de 1 000 à 2 000 € (entre 41 % et 48 %). » Thomas Piketty, Camille Landais et Emmanuel Saez


REFONDRE LA FISCALITÉ DES PARTICULIERS

Une première piste serait tout simplement d’utiliser d’actuelle assiette et plus globalement principe de l’impôt sur les sociétés en l’appliquant au particulier. Les particuliers seraient ainsi taxés sur « leurs bénéfices », à savoir leurs capacités à épargner (ou autrement dit à thésauriser) et non sur leurs revenus.

Autre piste, visant elle à améliorer l’existant : rendre plus justes, plus lisibles et plus efficaces les prélèvements obligatoires, en élargissant leur assiette et en fusionnant CSG/CRDS et IRPP (Impôt sur le revenu des personnes physiques) en un Impôt global sur le revenu (IGR). Ils seront rendus plus redistributifs et leur rendement sera amélioré, notamment par l’ajout de tranches supérieures et par la progressivité globale (alors qu’aujourd’hui la CSG/CRDS est proportionnelle)

Ces dispositions permettront d’augmenter sensiblement le rendement de l’impôt sur le revenu sans désavantager les classes moyennes ou populaires.

Sanctuariser, après négociation avec les partenaires sociaux, une partie de ces recettes de l’IGR pour continuer à financer les régimes sociaux.

Individualiser le paiement de l’IGR.

Seuls trois pays dans l’OCDE pratiquent la familialisation obligatoire de l’impôt sur le revenu : la France, le Portugal et le Luxembourg.

Remettre en place l’Impôt sur la fortune (ISF) et l’élargir progressivement à l’ensemble du patrimoine des personnes privées la base taxable à l’ISF, avec une augmentation de la progressivité. Ce nouvel ISF pourra être baptisé Impôt global sur le patrimoine (IGP), et tendra à terme vers une Taxe sur l’actif nef (TAN).

Cet impôt élargi permettra un rendement amélioré en termes de recettes fiscales tout en contribuant à atténuer les inégalités de patrimoine nettement en hausse depuis plusieurs décennies.

Supprimer la majeure partie des niches et des exceptions fiscales qui, en facilitant la fraude, l’évasion et l’optimisation fiscales, permettent aux plus gros revenus, malgré les plafonnements introduits ces dernières années, de réduire sensiblement le montant de leurs impôts. Conserver les exceptions fiscales qui présentent un véritable intérêt sur le plan économique, comme par exemple les crédits d’impôts liés à l’embauche de salariés à domicile, qui seront augmentés.

Plafonner le montant de la taxe d’habitation sur la résidence principale de telle manière que cette taxe ne puisse pas dépasser un pourcentage du revenu mensuel du foyer fiscal, ce qui bénéficiera aux contribuables les plus modestes.


ADAPTER LA FISCALITÉ DES ENTREPRISES

À l’image de la première piste des particuliers, l’idée serait tout simplement d’utiliser d’actuelle assiette et plus globalement principe de l’impôt sur les revenus des particuliers en l’appliquant aux entreprises. Les entreprises seraient ainsi taxées sur « leurs revenus », avec le même système d’échelle de progressivité en fonction de l’augmentation de ces revenus cela favorisera les TPE et PME qui seront peu ou pas taxer tout en permettant que les multinationales ne puissent plus de retrouver à ne pas payer une juste contribution alors qu’elles ont des milliards de revenus ! Cela permettrait aussi dans un premier temps, de limiter l’optimisation/évasion/fraude fiscale de ces entreprises...

Simplifier la fiscalité pour garantir la bonne compréhension et application des règles fiscales, et garantir la non-rétroactivité des mesures fiscales, étendre le champ du rescrit au domaine social. Il est nécessaire d’apporter de la confiance aux entrepreneurs en plaçant l’administration fiscale dans le rôle de conseiller et en permettant les recours.

Atténuer voire supprimer une partie des niches et des exceptions fiscales aux effets néfastes, notamment celles qui favorisent indûment les grandes entreprises par rapport aux PME. Ce sont en particulier le principe d’intégration fiscale qui favorise à l’excès les montages LBO (Leverage Buy Out), c’est-à-dire le rachat à l’aide de montages complexes utilisant un énorme endettement, le pacte de responsabilité, ainsi que le Crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE).

Selon le Conseil des prélèvements obligatoires, le taux d’imposition réel sur les bénéfices des firmes du CAC 40 n’est que de 8 %, alors que celui des petites entreprises est de 30 %.

Mettre en place un barème progressif de l’impôt sur les sociétés pour toutes les entreprises.

Mettre en place une nouvelle fiscalité pour les entreprises, leur permettant d’être plus compétitives, lorsqu’elles évoluent vers les critères de l’économie sociale, solidaire et écologique (ESSE) : fiscalité incitative à la consommation (baisse de la TVA) et à l’investissement (déductions fiscales accrues pour la prise de parts de capital).

Remettre à plat les barèmes de prélèvement des cotisations sociales et réétudier le bien-fondé des nombreuses exonérations qui ont mité l’assiette sur laquelle reposent ces prélèvements, lesquels perdent en lisibilité et en efficacité.

Redéployer les fonds alloués au CICE vers la Banque Publique d'Investissement (BPI), en lui donnant de nouveaux outils et en élargissant son champ d’action aux artisans et entrepreneurs individuels, via par exemple des microcrédits ou la mise en place de factoring ciblé. Le CICE est un système simple,

mais il présente trois principaux problèmes: il est non conditionné (donc obtenu sans contrepartie), il n’est pas accessible aux artisans et il est proportionnel au nombre d’employés (bénéficiant donc davantage aux grands groupes qu’aux PME). À l’inverse, la BPI permet de donner de la trésorerie et des financements aux entreprises sur la base de projets et de leur situation, sous forme conditionnée et accessible à toute entreprise selon ses besoins.

De manière générale, réaliser un audit des aides aux entreprises afin de les simplifier et les diriger vers les secteurs qui en ont réellement besoin.

Rendre les investissements productifs déductibles de la base de l’impôt sur les sociétés l’année même où les dépenses ont été réalisées (et non plus l’année suivante), ce qui avantagera les entreprises qui utilisent leurs bénéfices pour investir.

Alléger les cotisations des entreprises qui créeront de l’emploi, par exemple en permettant à chaque entreprise, quelle que soit sa taille, de créer deux emplois exonérés de cotisations sociales.

Mettre en place des guichets fiscaux accessibles (voire dématérialisés), ciblés notamment vers les TPE et PME pour leur garantir l’accès au droit et la bonne compréhension et application des règles fiscales.


CRÉER DE NOUVELLES RECETTES FISCALES

Créer de nouvelles recettes spécifiquement destinées au financement de la transition écologique :

  • Instaurer sur l’ensemble des produits et services une taxe carbone fiscalement neutre, compensée par des incitations fiscales sur les projets à faible empreinte écologique. C’est un levier fiscal à destination des entreprises productrices de biens marchands

  • Augmenter la Contribution au service public de l’électricité (CSPE), pour pénaliser la production d’électricité fossile et apporter un soutien vital aux productions d’électricité renouvelable

  • Ajuster les taxes sur le diesel à la même hauteur que sur l’essence

  • Augmenter la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE, ex TIPP)

  • Mettre en place une taxe sur les véhicules les plus polluants, indexée sur les chevaux fiscaux

  • Taxer le transport routier sur des axes où le transport ferroviaire ou fluvial existe

  • Pour le secteur aérien, supprimer l’exonération de TICPE pour les vols intérieurs, remplacer la TVA réduite du secteur (10 %) par la TVA classique à 20 % ; supprimer les exemptions de taxes et les systèmes de subventions accordées aux compagnies par les aéroports régionaux ; rehausser la taxe carbone appliquée au secteur

  • Instituer une micro-taxe progressive en deux tranches sur toutes les transactions immobilières, applicable pendant vingt ans et spécifiquement destinée à la construction et à la rénovation thermique dans le cadre de la politique de transition énergétique (voir p. 6 du livret « Financement du programme »)

  • Développer une fiscalité écologique fonctionnant selon le principe de bonus/malus

Lutter contre la fraude aux cotisations sociales (travail au noir) et contre la fraude aux prestations sociales (prestations indûment perçues). Entre autres, nous renforcerons les contrôles dans les secteurs susceptibles d’embaucher des travailleurs non déclarés ou d’avoir recours aux travailleurs détachés, permettant de faire rentrer dans les caisses de l’État au moins 30 % de ces sommes à court terme.

Surtaxer les profits annuels des entreprises possédant des filiales dans les paradis fiscaux, afin de freiner la fuite des capitaux.

Accroître la taxe d’accise sur le tabac et sur l’alcool et créer une taxe sur les aliments gras. Ces augmentations seront couplées à des incitations fortes à l’arrêt du tabac et de l’alcool, et à un soutien aux bonnes pratiques alimentaires.

Rehausser de 10 % à 20 % le taux de TVA sur la restauration.


RENFORCER LA LUTTE CONTRE LA FRAUDE FISCALE

Supprimer le verrou de Bercy (c’est-à-dire le monopole qu’exerce le ministre du Budget sur les décisions de poursuites judiciaires en matière de fraude fiscale), qui favorise les arrangements.

Renforcer les effectifs du Parquet national financier (PNF), insuffisants pour lutter efficacement contre la délinquance économique et financière, avec des structures beaucoup trop dispersées sur le territoire.

La question de l’évasion et de « l’optimisation » fiscales n’est en aucun cas une préoccupation « de gauche » : c’est l’affaire de tous ! En particulier des petits patrons qui subissent la fraude et les contournements des grands groupes.

Promouvoir la création d’un parquet financier européen.

Retirer l’amendement du 17 février 2017 instaurant un délai de prescription de douze ans à partir des faits pour les infractions occultes et dissimulées.

Traiter le problème des paradis fiscaux

D’après Margrethe Vestager, commissaire européenne à la Concurrence, Apple a payé 0,005 % sur ses bénéfices réalisés en Europe en 2014 en profitant de divers dispositifs dérogatoires.

Appliquer les sanctions pénales du code des douanes (article 459) aux possesseurs d’un compte non déclaré à l’étranger (article 1649 A du CGI).

Effectuer une étude d’impact exhaustive sur les conventions fiscales que la France a signées avec les pays en développement et renégocier les causes impliquant un impact négatif potentiel sur la collecte de l’impôt. Notamment, au moment de la signature de telles conventions, utiliser le modèle des Nations unies plutôt que celui de l’OCDE et s’abstenir de réduire les taux de retenue à la source.


Signataires :

Mathieu Gitton, secrétaire de section de Belgique


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